L’art de l’équilibre

Un spectacle qui parle d'équilibre, de fragilité, de risque et de coopération

Hier soir j’ai eu la chance d’assister à un spectacle formidable au Nouveau Théâtre de Montreuil. L’intitulé « Cirque musical - La Toile Surnatural Orchestra, Cirque Inextremiste & Tatiana-Mosio Bongonga ».

Ce spectacle est une forme d’improvisation, puisqu’il a été monté en six jours. Trois acrobates, une funambule et une quinzaine de musiciens se sont réunis pour inventer ce que l’on pourrait appeler une « Symphonie jazzy équilibriste en risque majeur ».

Baignant dans la musique d’un orchestre à dominante de cuivres, le public suit avec un mélange d’inquiétude et de joie les circonvolutions de ces acrobates et de ces musiciens, qui, avec quelques planches, des bouteilles à gaz, et un tractopelle (!), parviennent à faire des figures poétiques, dansantes et amusantes à la fois. La jolie funambule survole ces jeux avec la légèreté et la gaité d’un pinson.

Et avec ces quelques moyens assez peu sophistiqués, voire rudimentaires, ils nous coupent le souffle et jouent avec nos émotions : en les voyant se mettre en danger, on a peur - très peur même - pour les artistes et le public placé devant la scène !

Comme à chaque fois qu’un spectacle éveille l’émotion, il suscite mille parallèles avec la vie.

Les voyant bâtir et tenir leur fragile équilibre en s’épaulant mutuellement, on pense très vite au couple, à l’amitié, au travail d’équipe.

Lorsqu’il est affronté tout seul, le danger peut être considérable. Affronté avec l’appui d’un autre, d’une autre, ou de beaucoup d’autres, musiciens, femmes, hommes, funambule, ou même conducteur de tractopelle tétraplégique, il devient abordable, fait toucher des limites incroyables, d’où naissent la poésie et une incroyable gaîté. Les voir se balancer accrochés à une planche, et l’un à l’autre, se décrocher, se raccrocher, devient un jeu presque irréel.

Des héros très humains

Et pourtant, le caractère brut de ce jeu laisse entrevoir la fragilité bien réelle de chacun. Loin d’assister à un spectacle de héros tout puissants capables de figures incroyables (ce qu’ils sont aussi), on perçoit un effort, une attention, tout autant que le talent et la force qu’ils doivent mettre en jeu pour parvenir à cet équilibre. Et l’artiste tétraplégique qui, à un moment, se met lui-même courageusement en équilibre en se glissant dans une poubelle posée sur une planche n’est pas le moindre à nous faire mesurer ce mélange de force et de fragilité.

Le final, dans lequel vingt deux artistes et musiciens jouent une musique entraînante, posés sur quatre planches qui ondulent sous leur pied, en équibre sur quatre bouteilles de gaz, est une jolie figure de la vie : au fond, chacun de nous repose sur un équilibre fragile, mais l’affronter ensemble de concert – si j’ose le jeu de mot - permet de produire de la beauté, du sens et de la profondeur.

A voir impérativement jusqu’au 16 octobre 2015… ou dans un an à l’issue de leur travail de résidence. Nouveau Théâtre de Montreuil

http://www.nouveau-theatre-montreuil.com/fr/programme/la-toile

Mots-clés: équilibre,, corps,, emotions, coopération,, intelligence collective, soutien,, diversité,